« L’usage des sites de rencontre se banalise » nous explique Catherine Lejealle
La sociologue Catherine Lejealle étudie les usages des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle analyse le phénomène des sites de rencontre et ses enjeux sociologiques.
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Les sites de rencontre attirent de plus en plus de monde. Pourquoi ?
Les freins psychologiques sautent. On observe une démocratisation et une banalisation de l’usage des sites de rencontre. De ce fait, les gens assument plus facilement la démarche et intériorisent moins une image négative. L’autre évolution est technique. Aujourd’hui, internet est facilement accessible partout, pour tous et à faible coût.
Qu’est-ce qui pousse les personnes à s’inscrire sur ces sites ?
C’est une démarche d’ouverture. A un moment dans son entourage on bloque et on ne fait plus de connaissances. Cette ouverture, on la retrouve souvent dans le bilan de ces expériences. Certains disent avoir finalement rencontré l’amour, pas forcément grâce à un site, mais en s’ouvrant à la relation, en regardant les autres différemment, en répondant à un sourire, en faisant ses courses.
Le fait d’inscrire des critères précis de recherche attire aussi les utilisateurs ?
C’est moins évident. Par construction des sites, il est nécessaire de sélectionner des critères. Le matching fonctionne sur ce principe. En revanche, il enlève une partie de la magie de la rencontre car ces critères sont perçus comme restrictifs. Comment décrire qu’on cherche quelqu’un qui voit et prend la vie de la même façon que vous ? La séduction joue sur les différences. On ne cherche pas son double. 70% d’une communication est non verbale : ce sont des sourires, une attitude… or les sites ne peuvent pas les transmettre.
Malgré tout, les sites de rencontre sont de plus en plus nombreux …
Justement, comme les grands sites généralistes semblent parfois opaques et tentaculaires, les usagers leur préfèrent des sites plus ciblés et spécialisés tels que Wekiss, Rencontreslocales.com ou encore Xflirt. La grande tendance, c’est également d’identifier clairement la finalité de la démarche : je cherche une relation sérieuse ou ludique.
Y a-t-il toujours un tabou sur l’utilisation des sites de rencontre ?
C’est un aspect qui se démocratise complètement. C’est intéressant, car on a pensé au départ que ces sites seraient réservés au marché de l’occasion, des célibataires de 35 ans ou divorcés … Et pas du tout. C’est tout le monde. La peur des rencontres via internet se banalise également. L’expérience de la désintermédiation sur internet se transfère sur les sites : on prend l’habitude d’entrer en relation avec des inconnus sur eBay pour acheter un bien, on échange sur des forums ou des réseaux sociaux … Alors pourquoi pas y trouver l’amour ?
L’amour, justement, se numérise-t-il ?
Non, l’amour ne se met pas en équation. Mais, en même temps, Internet ouvre plein de possibilités, les rencontres peuvent décloisonner et amener à d’autres rencontres, de nouvelles connaissances et plus si affinités. On observe par conséquent que les gens acceptent plus facilement de se rencontrer rapidement sans se mettre la pression. Les sites sont un moyen de rencontre parmi d’autres, sans tabou ni objectif de réussite intenable.